La grande majorité des entreprises respectent les normes environnementales et les droits humains. Mais certaines entreprises actives au niveau international bafouent ces règles – au détriment de la population locale, de l'environnement et du climat. Helvetas collabore depuis des années avec des entreprises, mais seulement si elles respectent les normes nationales et internationales. C'est alors qu'elles apportent une contribution décisive au développement durable.
Le 7 janvier, la nouvelle initiative pour des multinationales responsables a été lancée. Un nouveau débat politique et bruyant risque-t-il d'avoir lieu, comme cela a été le cas lors de la campagne de votation de la première initiative en 2020? Malheureusement, les positions différenciées et les points de vue nuancés ont été perdus de vue lors de cette campagne. C'est pourquoi, en tant que grande organisation de développement bénéficiant d'un large soutien politique, nous voulons proposer une mise en perspective sobre et objective.
Helvetas soutient la nouvelle initiative parce qu'elle s'appuie sur les normes de l'ONU et de l'OCDE en matière d'économie et de droits humains, afin de mettre toutes les entreprises sur un pied d'égalité et d'éviter les dérives. Aujourd'hui, celles-ci sont le fait de quelques multinationales qui profitent des lacunes de la loi ou d'une mauvaise application du droit, car cela permet de réduire les coûts et d'augmenter les bénéfices.
À l'avenir, il s'agira de récompenser les nombreuses entreprises qui, dans le cadre de leur responsabilité d'entreprise, réfléchissent déjà à d'éventuels effets néfastes et prennent en compte non seulement les aspects économiques, mais aussi sociaux et écologiques, dans l'optique d'une durabilité globale.
Nous sommes convaincus : La nouvelle initiative ne nuit pas à l'économie. Bien au contraire. En effet, les exigences en matière de limitation de vitesse ou de port obligatoire de la ceinture de sécurité dans le trafic routier ne signifient pas une opposition frontale au trafic individuel motorisé, mais elles augmentent la sécurité, minimisent les risques et les dommages et réduisent en fin de compte les coûts de la santé pour l'ensemble de la société.
Sans l'économie, rien ne va
Grâce à nos 70 ans d'expérience dans la coopération au développement dans plus de 30 pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique latine et d'Europe de l'Est, nous savons que sans entrepreneuriat privé, rien n'est possible. C'est pourquoi nous encourageons les (petites) entreprises locales et éveillons l'esprit d'entreprise pour que les gens créent leur propre business.
Par exemple en Éthiopie, où nous nous engageons dans la formation professionnelle des jeunes. Pour cela, Helvetas travaille principalement avec des instituts de formation privés. Ceux-ci s'orientent vers les besoins du marché du travail et transmettent aux diplômé-e-s un savoir-faire en gestion d'entreprise. La collaboration avec les prestataires de formation est basée sur des incitations. L'intégralité des honoraires ne leur est versée que si les jeunes trouvent effectivement un emploi ou créent leur propre entreprise.
Un autre projet aide les minorités ethniques du nord montagneux du Vietnam à exploiter le potentiel touristique de la région et à développer un tourisme durable. Et en Bolivie, Helvetas travaille avec des familles de petits paysans et paysannes de la région amazonienne pour qu'elles apprennent à produire et à commercialiser du cacao de haute qualité dans le respect de l'environnement.
Mais pour que des économies «faibles» puissent se dynamiser, il faut aussi du commerce international (le plus écologique possible) et des investissements d'entreprises étrangères (soucieuses de la durabilité). C'est pourquoi Helvetas collabore dans des dizaines de projets avec des entreprises de Suisse et d'autres pays. Ensemble, nous établissons des chaînes de valeur durables – c'est-à-dire respectueuses de l'environnement et socialement responsables –, nous encourageons la qualité de la formation professionnelle ou nous créons de nouveaux instruments financiers qui ne profitent pas seulement aux investisseurs et aux investisseuses, mais aussi aux couches défavorisées de la population dans les pays où nous menons des projets.
Exemple: Coop et Helvetas pour le riz bio équitable
Depuis plus d'une décennie, Helvetas s'engage, sur mandat de Coop ou de sa filiale Reismühle Nutrex, pour la production biologique et le commerce équitable de riz basmati en Inde et de riz jasmin en Thaïlande. Le projet assure d'une part la subsistance des familles paysannes et favorise d'autre part la durabilité écologique de la production de riz: les paysannes et les paysans apprennent à s'adapter aux conditions environnementales modifiées par le changement climatique, à accroître la biodiversité, à utiliser plus efficacement l'eau, une ressource rare, et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, le projet permet de livrer à Coop, de manière fiable, du riz certifié de haute qualité.
Exemple: Volvo et Helvetas pour un transport durable
Alors que dans les Balkans occidentaux, de nombreux jeunes adultes émigrent vers d'autres pays européens à la recherche d'un emploi et d'un revenu, la région connaît une importante pénurie de personnel qualifié dans le secteur des transports, notamment en vue de la nécessaire transformation écologique du secteur. Pour y remédier, le groupe Volvo, en collaboration avec Helvetas et l'agence suédoise de développement Sida, propose de nouvelles formations spécialisées et des formations continues pour les mécatroniciennes et mécatroniciens et les conducteurs et conductrices de poids lourds – avec un accent sur les jeunes et les femmes. Dans des écoles professionnelles partenaires sélectionnées, ils et elles apprennent à entretenir de manière professionnelle des camions électriques, hybrides et d'autres types, ainsi qu'à les exploiter et à les conduire en produisant peu d'émissions. Le projet a été lancé en 2024 en Serbie, en Bosnie-Herzégovine et en Macédoine du Nord et sera étendu à d'autres pays d'Europe de l'Est.
Exemple: iGravity et Helvetas pour des investissements à impact social
iGravity, une entreprise suisse qui se concentre sur les investissements d'impact, développe en collaboration avec Helvetas un Green Bond pour renforcer les chaînes de valeur durables du riz. Le Green Rice Bond (GRB) doit être lancé au début de l'année prochaine et se concentre sur les pays d'Afrique subsaharienne, où le riz est un aliment de base important. En raison des changements démographiques et des nouvelles habitudes alimentaires, la demande ne cesse d'augmenter et doit être couverte en grande partie par des importations en provenance d'Asie, malgré un potentiel de culture important.
Le GRB est une forme d'impact investment, c'est-à-dire un véhicule financier qui, outre l'objectif d'un rendement financier, génère également un impact positif pour les personnes et l'environnement. Il est prévu de mettre en place une structure de financement mixte (blended finance) qui lève des capitaux auprès d'investisseurs privés et publics (à des conditions avantageuses) et utilise ces fonds, par le biais d'intermédiaires financiers locaux et internationaux, pour financer différents acteurs du secteur du riz (associations de producteurs, transformateurs, intermédiaires, etc.) Un accès rapide et facile aux capitaux à de bonnes conditions accélère les progrès de productivité souhaités et durables tout au long de la chaîne de valeur du riz. Concrètement, les partenaires du projet veulent, grâce au GRB, accroître la sécurité alimentaire de la population locale, augmenter ses revenus, améliorer les conditions de vie des petits paysans et paysannes et réduire l'empreinte écologique de la production de riz. Grâce, entre autres, à des méthodes de production économes en eau.
Potentiel et limites
L'ONU place de grands espoirs dans le secteur privé. Pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), il faut plusieurs fois les moyens financiers que les Etats y consacrent (ou peuvent y consacrer) aujourd'hui. Pour exploiter ce potentiel, les efforts doivent être massivement renforcés:
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D'une manière générale, le secteur privé doit être plus disposé à assumer sa responsabilité sociale, à orienter systématiquement l'ensemble de ses activités, dans son propre intérêt, vers les exigences de l'agenda de développement durable (Agenda 2030), et à investir davantage dans des pays et des secteurs présentant des risques plus élevés et d'autres perspectives de rendement.
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Il faut nettement plus d'investissements d'impact dans le contexte du développement: une étude récente d'Alliance Sud montre que seul un pour mille de tous les actifs gérés par les banques en Suisse sont des investissements dits d'impact. Et seule une petite partie de ces investissements concerne l'Afrique subsaharienne (13 %) ou des secteurs qui couvrent des besoins fondamentaux (alimentation et agriculture: 10 %; logement, eau, santé et éducation: 2 %).
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Il faut renforcer la volonté des différents acteurs (entreprises, États et ONG) de collaborer, comme dans les exemples présentés ci-dessus – dans le but de concilier la rentabilité économique avec la responsabilité sociale et la durabilité environnementale.
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Enfin, une réglementation étatique intelligente et équilibrée est inévitable, comme le demande la nouvelle initiative sur les multinationales responsables pour la Suisse. D'une part, parce que le passé montre que les mesures volontaires ne garantissent pas que les normes sociales et environnementales soient respectées partout et toujours. D'autre part, afin de contenir les brebis galeuses et d'empêcher tout retour en arrière en matière de développement durable. Car nous ne pouvons tout simplement plus nous le permettre.