Rectifications relatives à la réduction de l’aide au développement

Réarmer l’armée suisse aux frais des plus pauvres du monde. Voilà ce qu’a décidé le Conseil des États en juin. Il se sert à cet effet dans le budget de la coopération internationale – et ce très généreusement, à hauteur de deux milliards de francs sur les quatre prochaines années. Les explications et les justifications avancées sont aventureuses et fausses. Helvetas présente ci-dessous des rectificatifs et des contre-arguments. Il n’est pas encore trop tard: le Conseil national peut corriger les coupes initiées par le Conseil des États.

Voila comment vous pouvez vous engager:

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ASSERTION: les réductions proposées ne sont pas significatives.

En effet, en plus des deux milliards pour l’armée, le Conseil fédéral et le Parlement entendent mettre à disposition de l’Ukraine 1,5 milliard de francs pour l’aide humanitaire et la reconstruction entre 2025 et 2028 – un montant lui aussi prélevé sur les fonds de la coopération internationale. La Suisse devrait se retirer de nombreux pays prioritaires tout en réalisant des économies substantielles au sein des organisations suisses de développement, du CICR, de l’Unicef et du HCR ainsi que dans de nombreuses autres organisations internationales importantes. Elle renoncerait ainsi à sa tradition humanitaire. 

ASSERTION: une grand partie des projets sont inefficaces.

Depuis des années, l’impact de la coopération au développement est mesuré de manière très détaillée et documenté publiquement, contrairement à d’autres domaines comme l’agriculture ou l’armée. Elle ne pourrait pas se permettre des scandales informatiques ou d’acquisition comme l’armée en connaît régulièrement, ni des subventions nuisibles au climat et à la biodiversité comme dans l’agriculture.

ASSERTION: la pauvreté est pratiquement éradiquée.

La guerre d’agression russe aggrave les choses, parce que le coût de la vie augmente et que la situation alimentaire se détériore dans de nombreux pays. Au vu des tendances actuelles, 574 millions de personnes – soit près de 7% de la population mondiale – continueront de devoir survivre avec moins de 2,15 dollars US par jour en 2030.

ASSERTION: la Suisse en fait déjà assez pour les plus pauvres.

Nos grandes banques continuent de financer des projets fossiles à l’étranger. Notre place financière favorise les transferts de bénéfices et l’optimisation fiscale au détriment des pays en développement. Avec notre forte empreinte climatique, nous vivons aux frais des plus pauvres et de la planète. Et ce n’est pas tout: bien que la Suisse obtienne régulièrement de bonnes notes pour sa coopération au développement, elle y consacre des moyens financiers nettement insuffisants selon l’ONU et l’OCDE. Par rapport à leur puissance économique (PIB), d’autres pays font nettement plus.

ASSERTION: l’argent provenant de Suisse renforce les régimes autoritaires et corrompus.

Dans la mesure du possible, la coopération internationale ne travaille pas avec les gouvernements, mais directement avec les autorités locales, des ONG locales, des PME, des organisations à base communautaire et des acteurs du monde scientifique. Cela vaut tout particulièrement là où le gouvernement travaille de manière non transparente et contre sa propre population. Plus le travail se fait localement et plus la proximité avec la population est grande, plus le risque de corruption est faible.

ASSERTION: «l’aide» au développement manque d’esprit d’entreprise.

L’accent est aussi mis sur l’instauration de chaînes d’approvisionnement équitables et saines, qui profitent au plus grand nombre de personnes possible, et sur la formation professionnelle des jeunes. Un commerce local prospère crée de bons emplois et de la valeur durable sur place, dans l’esprit de l’aide à l’autonomie.

ASSERTION: pour sa sécurité, la Suisse doit se concentrer sur sa puissance militaire.

Les guerres, les crises et le changement climatique entraînent des inégalités et des dettes publiques croissantes. Ils aggravent la faim, affaiblissent les droits humains et alimentent la migration involontaire. La Suisse ne doit donc pas focaliser toute son attention sur le réarmement militaire. La promotion civile de la paix et la protection des droits humains, l’aide humanitaire et les programmes de formation, de santé et d’agriculture à long terme, les mesures de protection du climat et d’adaptation ainsi qu’une économie locale forte dans les pays pauvres contribuent de manière avérée à la sécurité et à la stabilité mondiales, ce qui profite aussi à la Suisse.

ASSERTION: la coopération au développement n’apporte rien à la population suisse.

Premièrement, l’économie suisse en profite: la coopération au développement aide les entreprises suisses à conquérir de nouveaux marchés en améliorant les conditions-cadre politiques, économiques et sociales dans les pays concernés. Deuxièmement, elle s’attaque à des défis globaux tels que le changement climatique, l’exil et les déplacements forcés, les pandémies et la disparition des espèces, ce qui profite aussi directement à la Suisse et à ses habitant·es. Enfin, la coopération au développement promeut la paix et la sécurité et permet aux personnes vivant dans des pays pauvres et en crise de trouver des alternatives à la migration.

ASSERTION: en matière de migration, la coopération au développement manque son but.

La Suisse contribue à garantir les besoins fondamentaux, à promouvoir l’éducation, la santé et la paix, à protéger les populations des conséquences du changement climatique et à renforcer la société civile. Lorsque ces efforts sont couronnés de succès, les habitant·es n’ont pas de raison de quitter leur pays. Là où des personnes sont contraintes de fuir pour une raison ou une autre, l’aide humanitaire contribue à les protéger.

ASSERTION: la Suisse doit faire des économies plutôt que de s’endetter davantage.

La pandémie de coronavirus a eu pour effet une hausse de la pauvreté. La violence en Ukraine a pris une nouvelle dimension. Dans le monde entier, les démocraties sont en recul; en de nombreux endroits, les droits humains sont sous pression. Les guerres et les ravages climatiques exacerbent la pauvreté, la faim et les déplacements de population. Mais au lieu d’investir dans la coopération internationale, la protection mondiale du climat et le développement durable, les politicien·nes bourgeois·es préfèrent s’en tenir strictement au frein à l’endettement. Ce dont ils et elles ne tiennent pas compte: avec un taux d’endettement légèrement plus élevé, la Suisse serait toujours parmi les meilleurs du classement mondial, sans pour autant perdre en prospérité. Ne pas agir maintenant coûtera plus cher à l’avenir!

Il n’est pas encore trop tard: le Conseil national peut renverser la décision du Conseil des États pour éviter des coupes massives dans la coopération au développement. Soutenez-nous! Ensemble, #SoyonsSolidairesMaintenant, sur www.soyons-solidaires-maintenant.ch.

Vous trouverez d’autres contenus qui vous intéresseront sur notre blog consacré à la politique de développement «Perspectives politiques».