La coopération internationale comprend l’aide humanitaire et la coopération au développement, la coopération économique et multilatérale ainsi que la protection internationale du climat et la promotion de la paix et des droits humains. Elle est, en résumé, créatrice de stabilité – dans un monde qui part à la dérive. Pour les quatre années à venir, le Conseil fédéral a prévu d’y consacrer 11,27 milliards de francs, avec des réductions prévisibles.
L’approbation, en été, des coupes drastiques de deux milliards proposées par la majorité bourgeoise est aujourd’hui considérée comme une action précipitée. Lors des délibérations relatives à la coopération internationale 2025-2028 en septembre, le Conseil des États s’est ravisé pour soutenir la proposition de 11,27 milliards pour l’«aide à l’étranger». On peut s’en réjouir.
Toutefois: le Conseil fédéral entend réserver près de 15% de l’ensemble des fonds de développement à l’Ukraine. Les ONG ne critiquent pas le soutien à la reconstruction en soi, mais le fait que les fonds prévus à cet effet soient prélevés sur le budget de la coopération internationale (CI). En effet, cet argent manquera pour assurer le soutien nécessaire à l’amélioration des conditions de vie de personnes dans les pays du Sud.
Et comme une majorité du Parlement veut développer fortement et rapidement l'armée, des coupes allant jusqu'à un milliard de francs risquent d'être décidées lors de la session d'hiver.
Si, en plus de «l’aide à l’Ukraine», des coupes d’un milliard devaient être approuvées, la coopération internationale se verrait amputée d’un quart de ses ressources – 25% d’un seul coup! La Suisse serait alors forcée de se retirer de certains pays prioritaires. Une démarche pour le moins indigne d’un partenaire fiable!
Conséquences pour les pays pauvres: moins d’aide d’urgence et d’aide en cas de catastrophe, moins de soutien à la santé et à la lutte contre la faim, moins de protection du climat et de mesures d’adaptation aux inondations et aux sécheresses, phénomènes qui augmentent. Mais aussi: des filles qui ne peuvent pas aller à l’école et davantage de jeunes personnes en Afrique qui n’ont pas de quoi vivre et iront donc chercher des moyens de subsistance ailleurs.
Dans l’article ci-dessous, Helvetas liste des faits et des arguments en faveur d’une coopération internationale forte et ambitieuse. Lors de la session d’hiver, le Parlement a l’occasion d’investir dans l’avenir.
Assertion: le monde évolue pour le mieux – nous maîtrisons les défis.
Ce n'est malheureusement pas vrai. Certes, de grands progrès ont été réalisés au cours des dernières décennies. Mais alors que certains accumulent toujours plus de richesses et vivent dans le luxe, la pandémie de coronavirus a provoqué le plus grand recul de la lutte contre la pauvreté dans le monde depuis 1990. La guerre d'agression russe aggrave encore la situation. En 2023, plus de 360 millions de personnes dans environ 70 pays dépendaient de l'aide humanitaire. A peine 40 pour cent des ressources nécessaires à cet effet sont financées. Le nombre de personnes déplacées atteint le chiffre incroyable de 120 millions de personnes. Le réchauffement de la planète entraîne des incendies de forêt, des inondations et des sécheresses de plus en plus fréquents et de plus en plus graves, avec des conséquences dramatiques pour la sécurité alimentaire. Un dixième de la population mondiale est déjà (à nouveau) touché par la faim. Dans le monde, la démocratie est en recul et les systèmes autocratiques se répandent. La coopération internationale (CI) est donc plus pertinente que jamais.
Assertion: «l’aide au développement» n'apporte rien aux habitantes et habitants de la Suisse.
Et pourtant, si ! Premièrement, l'économie suisse en profite: la CI aide les entreprises helvétiques à conquérir de nouveaux marchés en améliorant les conditions politiques, économiques et sociales dans les pays concernés. Deuxièmement, la CI s'attaque aux défis mondiaux tels que le changement climatique, la fuite et l'expulsion, les pandémies et la disparition des espèces – ce qui profite aussi directement à la Suisse et à ses habitantes et habitants. Et troisièmement, la CI promeut la paix et la sécurité dans le monde, en créant des opportunités économiques dans les pays pauvres et en crise, afin que les gens puissent voir un avenir sur place ou retourner dans leur pays d'origine. D'ailleurs, selon un sondage de l'EPFZ, la population suisse connaît la grande utilité de la CI et souhaite donc majoritairement un renforcement de la coopération au développement plutôt qu'une extension de l'armée.
Assertion: la Suisse en fait déjà assez pour les plus pauvres.
Certes, avec sa coopération au développement, la Suisse lutte contre la faim et la pauvreté et renforce le développement durable dans le monde. Mais en même temps, certains domaines politiques sapent d'importants succès de la politique de développement – d'où l'importance de ce que l'on appelle le spillover négatif de la Suisse : nos grandes banques continuent de financer des projets fossiles à l'étranger. Notre place financière favorise les transferts de bénéfices et l'optimisation fiscale au détriment des pays en développement. Nous vivons avec notre grande empreinte climatique au détriment des plus pauvres et de la planète. De plus, la Suisse obtient régulièrement de bonnes notes pour sa coopération internationale. Mais selon l'ONU et l'OCDE, elle y consacre des moyens financiers nettement insuffisants. D'autres États fournissent une coopération au développement beaucoup plus importante par rapport à leur puissance économique (PIB).
Assertion: une grande partie des projets est sans effet.
Faux. Dans le dernier rapport d'activité de la Confédération, des évaluations indépendantes attribuent à la CI un taux de réussite de 80% en moyenne. Et ce, bien que les programmes de développement soient par nature souvent réalisés dans des régions peu sûres. Depuis des années, l'impact de la coopération internationale (CI) est mesuré et documenté publiquement de la manière la plus détaillée par rapport à d'autres domaines comme l'agriculture ou l'armée. La coopération au développement ne pourrait pas se permettre des scandales informatiques ou d'acquisition comme ceux qui se produisent régulièrement dans l'armée, ou des subventions nuisibles au climat et à la biodiversité dans l'agriculture. De plus, la CI est capable d'apprendre: les programmes de développement sont continuellement adaptés aux besoins des personnes sur place afin d'obtenir le meilleur effet possible. Ainsi, dans de nombreux pays, la CI contribue à créer de meilleures perspectives de vie et à atténuer les conséquences du réchauffement climatique, des conflits et des crises. Sans la coopération au développement, la situation serait donc bien pire.
Assertion: l'argent de la Suisse renforce les régimes autoritaires et corrompus.
Bien au contraire: dans les pays non libres et mal gouvernés, la coopération au développement vise à élargir la marge de manœuvre des acteurs de la société civile tels que les collaboratrices et collaborateurs des ONG locales, les défenseurs des droits humains et les journalistes libres, tout comme les politiciens de l'opposition et les peuples autochtones. Plus les gouvernements se détournent des valeurs démocratiques, plus il est important que la société civile soit indépendante, informée et critique, qu'elle soit le porte-parole des groupes de population défavorisés et qu'elle observe les violations des droits humains. Dans la mesure du possible, la CI ne travaille pas avec les gouvernements, mais directement avec les autorités locales, les ONG locales, les PME, les organisations communautaires et les scientifiques. Cela vaut tout particulièrement là où le gouvernement agit de manière opaque et contre sa propre population.
Assertion: en ce qui concerne la migration, la coopération au développement manque son objectif.
Non. La coopération internationale (CI) réalise beaucoup dans le domaine de la migration: la coopération au développement ouvre des perspectives et des chances équitables pour les personnes vivant dans les pays pauvres. Avec la CI, la Suisse contribue à garantir les besoins fondamentaux, à promouvoir l'éducation, la santé et la paix, à protéger les gens contre les conséquences du changement climatique et à renforcer la société civile. Là où cela réussit, les gens n'ont aucune raison de quitter leur pays. Et partout où des personnes doivent fuir, l'aide humanitaire contribue à leur protection. Par ailleurs, il ne s'agit pas « d'endiguer » la migration, mais de la rendre sûre et humaine là où elle a lieu.
Assertion: le problème du climat est démesurément surestimé.
Faux. Nous le voyons déjà aujourd'hui: le changement climatique raréfie l'eau, met en péril la sécurité alimentaire et provoque des dommages économiques toujours plus importants. Les populations pauvres, les minorités et les femmes dans les pays en développement sont particulièrement touchées, car elles manquent de ressources et de résistance pour se protéger suffisamment contre les événements météorologiques extrêmes liés au climat. La coopération internationale (CI) est donc d'autant plus importante car la Suisse et d'autres pays apportent un soutien crucial aux pays plus pauvres. Ce faisant, la CI ne se contente pas de renforcer la capacité de résistance (résilience) des populations, par exemple par des mesures d'adaptation telles que la promotion d'une agriculture agroécologique économe en eau, la construction de digues côtières et de réservoirs d'eau ou une gestion prévoyante des catastrophes. Elle contribue également à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, par exemple par des mesures efficaces de protection du climat telles que la promotion des énergies renouvelables et des chaînes de valeur durables, la mobilité à faible émission d’énergies fossiles et un développement urbain à faible émission de CO2. Cela profite également à la Suisse, qui se réchauffe plus rapidement que la moyenne et qui doit elle-même lutter de plus en plus contre des phénomènes météorologiques extrêmes.
Assertion: « l’aide au développement » manque d'esprit d'entreprise.
Bien au contraire. Les acteurs de la coopération au développement comme la DDC et le Seco, mais aussi les organisations de développement, soutiennent de manière ciblée l'économie locale dans de nombreux pays partenaires. La coopération au développement soutient les PME et leur permet de financer leurs activités à un prix abordable. Un accent important est mis sur la formation professionnelle des jeunes ainsi que sur la mise en place de chaînes d'approvisionnement équitables et propres, qui profitent au plus grand nombre. Si l'artisanat local est prospère, il crée de bons emplois et une valeur ajoutée durable sur place, dans l'esprit de l'aide à l'auto-assistance.
Assertion: pour sa sécurité, la Suisse doit désormais se concentrer sur la force militaire.
Non, car nous devons penser la sécurité de manière plus globale: il existe d'autres menaces, comme l'a montré la pandémie de Covid, et comme le montrent les conséquences climatiques telles que les inondations, qui nous concernent également. Depuis quelques années, la pandémie de Covid, les guerres et les ravages climatiques croissants font augmenter le coût de la vie, les inégalités et la dette publique des pays pauvres. Et ils aggravent la faim dans le monde et les mouvements migratoires involontaires dans de nombreux pays du Sud. Dans ce contexte, la Suisse ne doit pas seulement se concentrer sur son propre réarmement, mais elle doit investir d’autant plus dans la coopération internationale (CI). En effet, la promotion civile de la paix et le renforcement des droits humains, les programmes de développement à long terme et l'aide humanitaire, les mesures de protection du climat et d'adaptation ainsi que le développement durable et le renforcement de l'économie locale dans les pays pauvres contribuent de manière avérée à la sécurité et à la stabilité mondiales. De plus - et c'est ce que disent les expertes et experts en sécurité – les coupes dans la CI ne sont pas raisonnables d'un point de vue géopolitique: nous laissons ainsi de plus en plus le champ libre à la Chine et à la Russie, qui comblent le vide.
Assertion: la Suisse doit faire des économies et ne pas s'endetter davantage.
Dans la situation actuelle, c'est un jeu dangereux. Car le monde est confronté à d'énormes défis. La pandémie de coronavirus a entraîné une augmentation de la pauvreté. La violence en Ukraine a atteint une nouvelle dimension. Dans le monde entier, les démocraties sont en recul et les droits humains sont mis sous pression à de nombreux endroits. Les guerres et les ravages climatiques entraînent une augmentation de la pauvreté, de la faim et des déplacements de population. Pourtant, au lieu d'investir dans la coopération internationale, la protection du climat et le développement durable, les politiciennes et politiciens bourgeois s'en tiennent strictement au frein à l'endettement suisse. Et ce, bien que la dette diminue par rapport à la capacité économique de la Suisse (PIB). Pourtant, avec un taux d'endettement légèrement plus élevé, la Suisse serait toujours en tête du classement mondial, sans que sa prospérité n'en pâtisse. Ne pas agir maintenant coûtera plus cher à l'avenir.