Cet automne, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, invite à New York au «Sommet de l’avenir». Avec un pacte pour l’avenir, il veut relancer l’Agenda 2030 et mettre le monde sur la voie d’un développement durable. Lors des débats préliminaires sur le document, les gouvernements et la société civile se montrent engagés – tout en sachant qu’il s’agit de la dernière chance de ne pas rater complètement l’agenda de la durabilité.
Le Sommet sur les ODD, organisé par l’Assemblée générale de l’ONU à l’automne 2023, a montré au monde à quel point la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable avait déjà dévié de sa trajectoire à mi-parcours. Le secrétaire général de l’ONU António Guterres a choisi des mots clairs: le monde est devenu «incontrôlable». Des guerres font rage en de nombreux endroits. La démocratie est de plus en plus sous pression. Les inégalités, la faim et la crise climatique s’aggravent. Et les fossés entre l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud, se creusent. Lors du Sommet de l’avenir, un an plus tard, c’est à dire cet automne, le chef de l’ONU, António Guterres, veut renverser la vapeur. Les États doivent adopter un pacte pour l’avenir («Pact for the Future»). La communauté internationale devrait ainsi se rapprocher, passer enfin à l’action et remettre l’Agenda 2030 «sur les rails».
Dès la fin 2023, les pays s’étaient mis d’accord sur les thèmes centraux: financement du développement, paix et sécurité, innovation et coopération numérique, jeunesse et renouvellement de la gouvernance multilatérale. Le processus semble prometteur: en janvier 2024, les négociatrices et négociateurs de l’Allemagne et de la Namibie ont publié un projet de pacte, à la suite duquel les États et les groupes d’États ont pu donner leur avis. Dans le cadre de la UN Civil Society Conference à Nairobi les 9 et 10 mai 2024, des actrices et acteurs de la société civile (ONG, organisations communautaires, groupes de jeunes, communauté scientifique et secteur privé) du monde entier ont formulé leurs attentes vis-à-vis du pacte. En Suisse, des organisations de la société civile comme Alliance Sud, la Plateforme Agenda 2030 et Helvetas ont eu l’occasion de faire part de leurs suggestions directement à la délégation suisse chargée des négociations à New York.
Les préoccupations ont été prises en compte. Le 15 mai 2024, l’Allemagne et la Namibie ont présenté une version fortement remaniée et nettement améliorée du pacte. Les négociateurs ont assuré avoir répondu au mieux aux multiples attentes des États et de la société civile. Les réactions des pays, qu’il s’agisse de l’UE ou des pays plus pauvres de la coalition G77 des pays en développement auprès des Nations Unies, ont été majoritairement positives, à quelques exceptions près comme la Russie et l’Égypte. De nombreuses délégations ont expressément salué le fait que le projet soit concis, équilibré et axé sur l’ambition et l’action. La délégation suisse aux négociations s’est également montrée satisfaite du Pacte pour l’avenir révisé et a assuré qu’elle continuerait à accompagner de manière constructive les prochaines étapes.
Les droits humains restent la boussole
Avec le Pacte pour l’avenir, la communauté internationale veut souligner la pertinence et la nécessité de l’Agenda pour le développement durable de 2015. Le Pacte précise que les droits humains sont au cœur de tous les efforts visant à éradiquer la pauvreté, à lutter contre les inégalités et à «ne laisser personne de côté». Il réaffirme le principe de l’égalité des droits et de l’autodétermination des peuples ainsi que l’obligation de respecter l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État et de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’usage de la force. Les obligations de droit international telles que le droit international humanitaire et la Convention internationale sur les réfugiés restent des lignes directrices pour l’action. Avec le Pacte, la communauté internationale entend notamment:
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promouvoir des modes de vie durables et l’économie circulaire pour parvenir à des modes de consommation et de production durables;
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prendre des mesures pour s’assurer que le secteur privé contribue à la durabilité et à la protection de la planète, notamment en renforçant la responsabilité et les procédures de reporting crédibles;
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prévenir les flux financiers illicites et lutter contre la corruption, la fraude et l’évasion fiscales, et renforcer la coopération en matière de politique fiscale internationale au niveau des Nations Unies;
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transformer le système alimentaire mondial pour que chacun et chacune ait accès à une alimentation sûre, abordable, respectueuse de l’environnement et nutritive;
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maximiser les contributions positives d’une migration sûre, ordonnée et régulière, et améliorer et garantir la protection de toutes les personnes en déplacement;
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s’attaquer aux risques que la désinformation fait peser sur la stabilité et la cohésion de nos sociétés, tout en respectant le droit à la liberté d’expression;
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s’attaquer au déséquilibre croissant entre les dépenses militaires et les investissements dans le développement durable et le maintien de la paix;
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maintenir l’objectif de 0,7% pour l’aide publique au développement et renforcer le soutien aux pays en développement dans leur lutte commune contre le changement climatique;
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responsabiliser davantage les personnes très riches (dont l’empreinte climatique est supérieure à la moyenne) par l’intermédiaire d’un impôt mondial minimal.
Pleins feux sur les jeunes et la prochaine génération
Rarement un document officiel de l’ONU n’a accordé un rôle aussi important aux jeunes. Le Pacte avertit explicitement que nos actions d’aujourd’hui ont un impact sur le bien-être et les possibilités des générations futures. Dans la version actuelle, on peut lire: «La génération actuelle de jeunes est la plus nombreuse de l’histoire, et la plupart vivent dans des pays en développement. [...] Nous sommes conscients qu’ils et elles, ainsi que les générations futures, devront vivre avec les conséquences de nos actions [...]. Nous nous engageons à investir de manière transformatrice dans les jeunes et à les engager aux niveaux national et international afin d’assurer un avenir meilleur pour tout le monde».
Il ne reste plus qu’à espérer que la déclaration ne sera pas édulcorée d’ici à septembre et que le Sommet de l’avenir à New York sera un succès. Il faudra ensuite s’assurer que le document ne reste pas lettre morte, mais qu’il guide réellement l’action des gouvernements.
Actuellement, l’attention est fortement concentrée sur les guerres à Gaza et en Ukraine. Les défis mondiaux tels que la faim croissante, les crises et les injustices oubliées, la disparition des espèces et le climat sont facilement oubliés. Il est pourtant important de ne pas perdre de vue «l’ensemble» et la «vision à plus long terme» d’un développement vivable, viable et équitable. Pour cela, le Pacte pour l’avenir devrait servir de boussole aux gouvernements et à nous toutes et tous. Le Pacte pour l’avenir mérite d’avoir un avenir.