La Confédération, les cantons et les communes achètent chaque année des biens et des services pour une valeur de 40 milliards de francs, comme des uniformes pour l'armée, des ordinateurs pour l'administration cantonale ou des bordures de trottoirs pour la place du village. Ces 40 milliards se répartissent sur des milliers de fournisseurs et de prestataires, en Suisse et à l'étranger. Or, dans de nombreux pays en développement, le travail est effectué dans des conditions précaires. Au plus tard depuis l'effondrement de l'usine textile «Rana Plaza» au Bangladesh en avril 2013, le grand public a lui aussi pris conscience de la protection souvent insuffisante des travailleurs et travailleuses dans de nombreux pays émergents et en développement.
Une bonne loi fédérale, mais une mauvaise mise en œuvre
Le 1er janvier 2021, la nouvelle Loi fédérale sur les marchés publics (LMP) est entrée en vigueur. Cette loi, qui a été adoptée par le Parlement à l'été 2019 après plusieurs années de délibérations, reflète un véritable changement de paradigme en matière de marchés publics: la durabilité au lieu du dumping des prix, non seulement d’un point de vue environnemental, mais aussi économique et social. Selon la nouvelle loi, les communes, les cantons et la Confédération sont explicitement autorisés à exiger des normes de travail plus strictes et à demander les preuves correspondantes. En tant que membre de la Coalition d'ONG pour les marchés publics (Pain pour le prochain, Action de Carême, Max Havelaar, Public Eye, Solidar, Swiss Fair Trade), Helvetas s'était engagée pendant des années pour ce principe au niveau fédéral – avec succès.
Toutefois, un problème surgit à l’heure de la mise en œuvre de la loi: alors que les cantons appliquent à la lettre le changement de paradigme en faveur d'une plus grande durabilité, l'office fédéral chargé de la révision de l’ordonnance fédérale correspondante a de nouveau restreint de manière drastique les dispositions relatives au respect de normes de travail plus strictes. Ce faisant, il ignore la volonté du Parlement. En clair, la Confédération exclut des questions aussi centrales que la sécurité au travail et les horaires de travail réglementés, dont il avait été tenu compte. Ainsi, elle continue de favoriser les prestataires qui baissent les prix au détriment de leurs employés, tandis que les employeurs qui prennent au sérieux leur responsabilité sociale – à l'étranger ou en Suisse – sont désavantagés.
Des politiques de développement et d'approvisionnement contradictoires
De cette manière, la Confédération sabote également son propre travail de coopération au développement, par lequel elle promeut de meilleures conditions de travail et des chaînes de valeur durables dans les pays émergents et en développement. En effet, il est insensé d'attribuer simultanément des contrats de plusieurs millions de dollars à des entreprises situées dans ces pays et qui ne se soucient ni de la santé de leurs employés ni de payer un salaire décent à ces derniers.
En tant que membre de la Coalition d'ONG pour les marchés publics, Helvetas continue donc de s’engager pour des marchés publics durables au niveau fédéral également.