« Vous venez de la grande ville pour nous contaminer. En plus, vous avez des masques alors que nous n’en possédons pas ». C’est avec ces mots que Kodiè Samaké, vice-présidente de l’association des femmes de Faradiélé, dans le cercle de Bougouni, a réagi à l’arrivée de l’équipe de Helvetas. Elle, comme beaucoup dans les villages se méfient des étrangers et des gens qui arrivent de la ville. Elle a peur aussi du corona virus, mais elle ne porte pas de masque parce qu’elle « manque de moyen financier qui rend difficile l’acquisition et le port de masques ».
Dès que la crise du Corona virus a éclaté au Mali, Helvetas a fait appel à des relais communautaires, des agents de santé, et à des élus locaux pour sensibiliser les populations locales dans les zones de Kolondieba et de Bougouni, région de Sikasso, dans le sud du Mali. Les relais communautaires passent de porte en porte dans le village de Faradiélé pour expliquer aux habitants l’adoption des gestes barrières nécessaires pour prévenir la propagation du corona virus et les former sur la construction et l’utilisation de dispositif pour se laver les mains (tippy-tap).
Une mission pas toujours facile : « nous avons la chance encore de n’avoir encore enregistré aucun cas confirmé de coronavirus dans notre zone d’intervention, mais le risque reste très élevé compte tenu de la mobilité des populations qui vont et viennent dans les zones affectées du Mali sans dispositions spéciales de précaution » explique Dioro Dicko, chef du projet Jikura. « La conséquence est que c’est difficile de convaincre les personnes d’adopter les mesures de précaution », explique-t-il.
Pourtant, on peut compter sur quelques importants alliés, comme Moussa Diarra, chef du village de Faradiélé. Ce dernier refuse de serrer la main tendue par un agent communal qui accompagne l’équipe de Helvetas. Il raconte qu’il a même arrêté d’aller à la mosquée pour prier :« je conseille aux habitants de mon village d’éviter les rassemblements et de suspendre toutes les festivités folkloriques jusqu’à nouvel ordre » ajoute le vieil homme.
Moussa Diarra, chef du village de Faradiélé
Le message du chef de village est entendu, parce que les habitants de Faradiélé « sont tous méfiants, vigilants et attentifs », selon Madina, une femme originaire de la localité. Celle-ci ajoute « mon mari et moi n’avons pas d’argent. Nous avons 4 enfants. Nous avons déjà une maladie plus grave que le corona virus. C’est la pauvreté. D’ailleurs, nous nous nourrissons à peine. S’il faut acheter et utiliser régulièrement des masques, gels, savons et dispositifs de lave-mains, nous n’avons pas ces moyens. Mais ma famille et moi utilisons le tippy tap pour laver régulièrement nos mains pour se protéger et protéger les autres contre la maladie. Nous invitons les autres ménages démunis à faire autant avec le tippy-tap, qui est très simple et adapté » pour limiter la propagation du virus.
Pour faire face aux difficultés financières rencontrées par les communautés qui manquent d’équipements de protection contre le risque de contracter le corona virus, Helvetas a aussi distribué des kits d’hygiène et des masques réutilisables dans la zone de Bougouni. En plus, des dispositifs de lavage des mains ont été installés dans des lieux comme les mairies et centres de santé communautaires très fréquentés par la population dans la zone de Kolondiéba, à la frontière avec la Côte d’Ivoire. Ces mairies et structures de santé ont aussi bénéficié de stock de savons, de gels hydroalcooliques, des gants et des masques. Ces derniers étant le plus souvent ceux confectionnés sur le marché local.
« L’application des mesures barrières s'améliore parmi les membres de la communauté grâce à l’utilisation des tippy-taps installés par Helvetas, alors qu'auparavant, il n’y avait aucun dispositif de lavage des mains dans les ménages. Ces tippy-taps attirent les gens à aller vers le lavage des mains, ce qui a contribué à la réussite de la sensibilisation faite par les partenaires, telles que les relais communautaires et les radios locales », se réjouit Dioro Dicko.
En outre, Helvetas s’appuie également sur des radios locales qui diffusent des informations sur les mesures de précaution et de lutte contre la COVID-19, pour compléter les autres actions de sensibilisation, en particulier la promotion de l’utilisation des kits d’hygiène. Ces radios invitent les populations à respecter les mesures barrières pour se protéger et protéger les autres en évitant les rassemblements, en se lavant régulièrement les mains et en portant un masque quand on voyage.
Dioro se félicite de l’augmentation du nombre de personnes qui utilisent le tippy-tap parce que cela contribue non seulement à la limitation de la COVID mais renforce aussi l’adoption de bonnes pratiques d’hygiène qui préviennent d’autres maladies diarrhéiques oubliées liées au manque et au mauvais usage de l’eau.