« Dans notre milieu, certains étaient sceptiques et ne croyaient pas à l’existence de cette maladie qui, pour eux, ne pouvait pas se propager dans les conditions climatiques du Mali. Pour d’autres, c’est un mensonge politique » explique Diakaridia Doumbia, maitre d’apprentissage pour le maraichage à Fala, cercle de Bougouni, dans le sud du Mali. « Chez nous, les membres d’une même famille utilisent la même eau pour se laver les mains dans un seul récipient. Ils mangent le repas ensemble dans le même plat. Je demande aux chefs de famille de mon village de veiller à ce que les membres de leur famille n’utilisent plus la même eau de lavage de main pendant les repas. Je me suis aussi engagé à faire respecter les mesures barrières par les jeunes que je formerai sur la filière maraichère ».
Pour prévenir la propagation de l’épidémie de Covid-19, Helvetas s’est appuyée sur les personnes avec lesquelles elle travaille habituellement dans le cadre du projet Jigitugu, notamment les maitres d’apprentissage, parce qu’ils ont la confiance des habitants de leurs villages.
Ces partenaires ont été formés par des médecins locaux, bien connus et respectés, sur le bon comportement à adopter pour prévenir le corona virus. « Ce n’est pas toujours facile de faire comprendre aux gens l’importance de certaines mesures, comme la distanciation sociale » ajoute Diakaridia Doumbia. « Nous sommes habitués à nous saluer en nous serrant la main. Ceux qui refusent de se soumettre à cette tradition sont qualifiées d’individus ayant perdu leurs repères ».
Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, Helvetas Mali a mis en place un plan d’action d’urgence pour aider les partenaires à faire face aux conséquences de cette maladie. Ce plan concerne notamment l’accompagnement en termes d’information et de sensibilisation, la distribution de kits sanitaires, le renforcement des mesures d’hygiène au sein de la communauté, le financement de la confection d’affiches au profit des collectivités territoriales, des entrepreneurs et des producteurs agricoles.
Cependant, trois mois après le début de l’épidémie qui continue à préoccuper les partenaires de Jigitugu, ces derniers subissent surtout les impacts de la crise sur leurs activités et leurs revenus. « Aujourd’hui, mes poulaillers sont presque vides, alors que je pouvais vendre au moins 70 sujets de volaille tous les six mois. La commande de poussins que j’avais faite hors du pays n’a pas pu être livrée à cause de la fermeture des frontières liée au Covid-19 », explique Djoumé Bagayoko, aviculteur à Kéléya, un village situé à 60 km de la ville de Bougouni.
En outre, l’impact du Corona virus est aussi visible dans l’élevage des bétails. « J’ai un lot de béliers. Je m’apprêtais à les livrer à mon client qui se trouve en Guinée. La livraison n’a pas pu être honorée à cause de la fermeture des frontières. Je continue à nourrir ces bêtes qui seront vendues à perte », s’inquiète Djoumé Bagayoko.
Djoumé Bagayoko, éleveur à Kéléya
D’autres partenaires d’Helvetas sont également impactés, comme Mady Diouara, maitre d’apprentissage en embouche, résidant à Sido, dans le cercle de Bougouni. « La pandémie a ralenti nos activités d’embouche du fait que nos produits trouvent difficilement un preneur. La pandémie a aussi entrainé l’augmentation des prix des intrants et des difficultés liées à l’acquisition de l’aliment bétail. L’argent manque. L’exportation est freinée, parce que les frontières sont fermées. Une partie de nos produits allaient en Côte d’Ivoire et le reste était vendu aux bouchers locaux. Nos revenus ont beaucoup diminué à cause du COVID-19. Nous assistons à une méfiance liée au risque de contamination du corona virus par les animaux ».
Siaka Doumbia, producteur d’échalotte accroupi dans son jardin, va plus loin. « La pandémie a occasionné beaucoup de difficultés dans notre vie quotidienne. Aujourd’hui, acheter de la viande au marché est devenu un problème. Les gens craignent la contamination de la maladie à travers la viande, ou à travers le boucher qui vend la viande. A cause de cette pandémie, nos mouvements sont très réduits. L’écoulement de nos produits est difficile. Les moyens de transport ne sont pas préparés pour faire face à ces problèmes que nous rencontrons ».
Siaka Doumbia, producteur d’échalotte
Le projet Jigitugu accompagne ses partenaires dans la recherche et la mise en place de réponse à la crise. Pour minimiser le risque de Covid-19 lors des déplacements, les prestataires de services locaux formés par Helvetas organisent la commercialisation des produits y compris des bétails sur les réseaux sociaux. Aussi, pour soutenir les jeunes, particulièrement touchés par la crise, Helvetas envisage de mettre des couveuses à leur disposition pour qu’ils produisent des poussins localement, au lieu de les importer. Pour ce faire, le projet Jigitugu organisera les artisans en groupement pour qu’ils adaptent les couveuses importées aux conditions locales du pays. Le projet travaille aussi avec les instituts de microfinance comme BAOBAB et Soronyèsigiso pour faciliter l’accès des jeunes et des femmes aux fonds d’investissement.