L'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) a communiqué hier que 130 pays de ce qu'on appelle «Inclusive Framework» se sont accordés sur une réforme de la fiscalisation internationale des grandes entreprises multinationales. Ce qui sonne bien ne profitera qu'aux riches.
Communiqué de presse d'Alliance Sud, l'organisation faîtière de politique de développement dont Helvetas et d'autres grandes ONG suisses sont membres.
Dans cette réforme («BEPS 2.0 / Base Erosion and Profit Shifting»), il s'agit d'une part de la redistribution des bénéfices de groupes des pays sièges vers les pays de marché des groupes (pilier 1) et d'autre part de l'introduction d'un impôt minimum transnational pour les grandes entreprises multinationales (pilier 2). Malgré ces approches prometteuses, la «révolution fiscale» tant invoquée est absente.
«BEPS 2.0 est déficiente pour deux raisons principales», déclare Dominik Gross, expert en politique fiscale internationale chez Alliance Sud. «Premièrement, toute l'industrie des matières premières et le secteur financier sont exceptés du premier pilier et d'autre part, tout au plus une très petite part des bénéfices est redistribuée. Ensuite, le taux fiscal prévu du pilier 2, soit 15%, est beaucoup trop bas.»
Les pays en voie de développement d'Afrique, d'Amérique latine et autres ont en général des taux d'impôts de 25% ou 30%. C'est donc surtout pour les groupes négociant des matières premières qu'il vaut encore la peine de transférer leurs bénéfices réalisés sur les mines d'Afrique ou d'Amérique latine vers les sièges centraux des groupes, par exemple dans le Canton de Zoug. Les pays à bas et moyen revenu au bas de l'échelle perdent chaque année, selon un calcul des économistes Petr Janský et Miroslav Palanský (2019), par suite des transferts de bénéfices des multinationales, des recettes fiscales de 30 milliards de dollars. C'est bien plus que le coût total des services de la santé des 69 pays les plus pauvres du monde (20 milliards).
Le Conseil fédéral freine
L'attitude du Conseil fédéral suisse vis-à-vis de la réforme n'en est que plus déconcertante: il ne souhaite aucunement faire preuve de bonne volonté à l'égard des pays africains en plaidant en faveur de mesures plus efficaces que celles décidées hier. En revanche, selon un communiqué d'hier, il ne soutient la réforme d'une manière générale qu'avec de fortes réserves. Il laisse entendre qu'il a l'intention, dans les prochains pourparlers sur la conception concrète de la réforme déjà faible, d'œuvrer en faveur d'une dilution encore plus poussée – avec d'autres paradis fiscaux.
Ceci montre qu'en Suisse quiconque veut s'engager en vue d'une politique fiscale plus juste au niveau mondial et d'un changement de paradigme dans notre zone de faible imposition ne peut compter ni sur l'OCDE, ni sur le Conseil fédéral. Ce qu'il faut maintenant, ce sont des projets de la société civile et de forces progressistes de la politique: avant tout l'introduction d'un Country-by-Country-Reporting (CbCR) public pour entreprises multinationales en Suisse, indiquant qui déclare quoi et où.
Pour de plus amples informations:
Dominik Gross, Expert en politique fiscale internationale chez Alliance Sud, tél. 078 838 40 79, dominik.gross@alliancesud.ch.