Ce matin, la Banque nationale suisse (BNS) a publié sa décision d'exclure de ses quelques 900 milliards de réserves de devises étrangères placées à l'étranger les entreprises dont l'activité principale consiste à exploiter des mines de charbon. Ce faisant, elle a ouvert la porte à un passage potentiel à une politique d'investissement respectueuse du climat. Mais ce début plutôt symbolique doit être suivi par la reconnaissance de l'Accord de Paris sur le climat comme ligne directrice de sa politique d'investissement.
Communiqué de presse de l'Alliance Climatique Suisse, dont Helvetas et d'autres organisations sont membres.
Avec son poids de huitième plus grand investisseur institutionnel mondial, la BNS dispose d'un levier considérable pour protéger l'humanité et ses sources de vie de la catastrophe climatique. Fin 2019, dans son portefeuille états-unien la BNS détenait 5,9 milliards de dollars dans 148 entreprises de l’industrie des énergies fossiles : seules 5 d'entre elles étaient des entreprises du secteur du charbon, d'une valeur totale très faible de 4,7 millions de dollars. Ces quelques entreprises ont été exclues par la BNS. Même après l'exclusion des mines de charbon, elle continue d'investir dans des sociétés pétrolières et gazières telles que Chevron, ExxonMobil, Shell et BP. Selon les formulations de la BNS au titre de cette toute nouvelle politique d’exclusion, certains des plus grands producteurs de charbon, tels que Glencore, pour qui l'extraction de cette matière première ne représente qu'une fraction de leur activité, resteront également dans le portefeuille. Ainsi, la BNS continue de permettre le développement et l'extraction de nouveaux gisements et alimente activement le financement du réchauffement planétaire.
« Par sa décision d'aujourd'hui, la BNS reconnaît pour la première fois qu'elle a une responsabilité du fait de ses investissements, dont le poids est globalement élevé », déclare Christian Lüthi, directeur de l’Alliance Climatique. « Elle est maintenant invitée à accomplir systématiquement son devoir dans la mise en œuvre de l'Accord de Paris sur le climat en montrant l'exemple, en se défaisant de tous ses investissements dans les énergies fossiles et en investissant dans l'économie verte. »
La BNS a investi environ 10 % de ses réserves totales, qui s'élèvent à quelque 900 milliards, dans la bourse américaine. La part investie dans les autres pays industrialisés et les marchés émergents est inconnue. Néanmoins avec l'argent investi aux États-Unis, la BNS provoque d’ores et déjà des émissions indirectes de 43,3 millions de tonnes de CO2eq par an, soit à peu près autant que les émissions intérieures de la Suisse.
Contact:
Christian Lüthi, directeur, 076 580 44 99, christian.luethi@klima-allianz.ch
Informations de base:
L'annonce de sortie des mines du charbon de la BNS dans la conférence de presse sur l'examen de la situation économique et monétaire (17 décembre 2020)
Lors de l'Assemblée générale de la BNS du 27 avril 2018, l'Alliance Climatique a publié une étude avec des recommandations concrètes à la BNS sur la manière dont le climat et la stabilité du système financier pourraient être protégés.
- Dans une lettre publique, la BNS s’engage à respecter l’Accord de Paris sur le climat et les UN Sustainable Development Goals et annonce les premières étapes.
- Elle développe des principes qui permettent de maîtriser les risques climatiques dans le contexte du maintien de la stabilité du système financier.
- Elle commence par des tests de stress climatique et des analyses de scénarios pour le secteur financier suisse – compagnies d’assurance, banques, caisses de pension – et publie des mesures visant à contenir les risques macroéconomiques.
- Elle évalue l’exposition de ses propres investissements aux risques climatiques.
- Elle étend ses directives de placements afin d’exclure les investissements dans des entreprises qui causent systématiquement de graves dommages climatiques.
- Elle détermine et publie les émissions de CO2 de ses portefeuilles-titres et évalue leur alignement avec un scénario de 2°C.
- Elle rend publiques les mesures qu’elle entend prendre pour atteindre la trajectoire de compatibilité avec un scénario de 2°C en temps utile et réduire les émissions de CO2, ainsi que la manière dont elle mesurera leur succès.
- Elle commence par désinvestir des entreprises de charbon et de celles ayant les plus grandes réserves d’énergie fossile selon la liste Carbon Underground 200.
- Pour les autres secteurs exposés aux risques climatiques (par exemple les producteurs d’électricité, les équipementiers d’entreprises d’énergie fossile ou les constructeurs automobiles), elle adopte à titre complémentaire une approche « best in class ». Elle soutient les entreprises qui mettent résolument en œuvre la transition énergétique (par exemple avec la conversion aux énergies renouvelables).