Myanmar: le courage des producteurs
Par Peter Schmidt, directeur d'Helvetas Myanmar
Daw Aye Aye Naing n'est pas de celles qui baissent les bras facilement. Elle possède et dirige sa petite entreprise familiale, qui transforme les fruits du jujubier, riches en vitamines, en jus, sirop et confiserie. La particularité de cet arbre est de pousser autour des quelque deux mille pagodes de Bagan, l'un des sites du patrimoine culturel mondial du Myanmar. Le jujubier contribue à forger le caractère unique du lieu et il est protégé à ce titre.
Préserver la biodiversité agricole est précisément l'objectif du projet Biotrade, soutenu par le Secrétariat d'État à l'économie (Seco), qu'Helvetas met en œuvre au Myanmar, au Laos et au Vietnam. Il permet d'accéder aux marchés. Daw Aye Aye Naing est l'une des premières partenaires du projet, et son entreprise a considérablement changé depuis que j'ai fait sa connaissance il y a trois ans de cela: elle s'est développée et mieux organisée, elle entretient aussi désormais des contacts avec des clients internationaux.
Travailler et habiter dans la fabrique
C'est à Salay, petite ville aux racines coloniales située sur la rive de la rivière Ayarwaddy au centre du Myanmar, qu'est implantée la petite usine d'Aye Aye employant 80 personnes. Ici, le gouvernement a décrété des mesures pour prévenir la propagation du coronavirus. Interdiction de réunions, couvre-feu nocturne, restrictions de la liberté de mouvement, inspections sanitaires des bâtiments industriels: le programme habituel, simplement. Aye Aye a réuni ses collaboratrices et proposé à celles qui le souhaitent de pouvoir rester et habiter dans l'usine pendant la période de restrictions et de continuer à travailler, dans un système clos et avec un minimum de contacts extérieurs. Vingt femmes ont accepté. Aye Aye a promis une aide aux soixante autres en leur fournissant du riz et d'autres denrées alimentaires pendant la période où elles n'ont ni travail ni salaire.
Sur la route, dans des camions bariolés
Les vingt ouvrières se sont installées dans l'usine. Les autorités locales ont donné leur aval et la production s'est poursuivie. Parce que la demande de produits alimentaires sains a augmenté. Après tout, une bonne condition physique devrait renforcer le système immunitaire! C'est ainsi que l'équipe d'Aye Aye a pris place dans de petits camions bariolés et s'est lancée dans des trajets aventureux pour apporter ses produits aux clients à travers tout le pays. Ce qui demande de faire preuve de persuasion aux postes de contrôle, de livrer les marchandises à la périphérie de la ville et de passer des nuits au bord des routes jusqu'à la fin du couvre-feu. En parallèle, l'entrepreneuse a tenté d'obtenir un prêt à faible taux d'intérêt pour compenser la perte de revenus néanmoins subie.
Le Myanmar a également mis en place un programme d'aide aux petites et moyennes entreprises: 70 millions de dollars sont disponibles - contre 40 milliards de francs en Suisse. Par rapport à la population des deux pays, cela correspond à CHF 1,20 par personne au Myanmar et à CHF 4705 en Suisse. Les quinze entreprises partenaires du projet Biotrade ont toutes demandé un prêt. À ce jour, aucune n'a reçu d'argent. Heureusement, il existe des entrepreneuses courageuses, ici et là-bas, qui savent d'elles-mêmes comment apporter du soutien! (article écrit le 17.5.2020)
Burkina Faso: étapes d'un nouveau quotidien
Par Franca Roiatti, chargée de la communication d'Helvetas en Afrique de l'Ouest
Trois hommes à l'entrée aident les fidèles à respecter les mesures préventives contre le Covid-19: toute personne voulant pénétrer dans la cour intérieure de l'église du«Bon Berger» à Ouagadougou doit se laver les mains, mettre un masque à usage unique et passer par un contrôle de sa température. À la porte de l'église, deux volontaires patientent pour attribuer une place aux fidèles - à une distance raisonnable les uns des autres pour pouvoir assister à l'office de 9 heures. Après les mosquées, les églises protestantes du Burkina Faso ont aussi réouvert leurs portes. Les églises catholiques suivront prochainement. Un pas supplémentaire a été fait dans notre nouvelle vie avec le coronavirus.
15'000 bénévoles sensibilisent la population à travers le pays
Au Burkina Faso, le nombre de cas de Covid-19 continue d'augmenter, bien que lentement. Pour contenir l'épidémie, le gouvernement compte sur le comportement de chaque personne - avec le soutien de 15'000 volontaires déployés dans tout le pays pour mieux sensibiliser sur le coronavirus et sur les mesures de précaution à adopter. Ceela se fait avec l'appui de la technolgoie: de jeunes experts locaux ont développé cinq applications qui aident les gens à obtenir les bonnes informations, à détecter les symptômes du Covid-19 et à les signaler par téléphone portable - s'ils en détectent sur eux-mêmes ou sur des membres de leur famille.
Cependant, l'assouplissement important des mesures de confinement est préoccupant. Les bus, qui ont repris les liaisons entre la capitale et d'autres villes, transportent souvent plus de personnes que ne le permettent les règles imposées par le coronavirus, rendant difficile le respect de la distance physique. Les masques restent impopulaires, bien qu'un renforcement des contrôles a été officiellement annoncé. En attendant, la presse rend compte du manque de clarté entourant le premier décès en mars dû à la maladie Covid-19, celui d'une personnalité politique de premier plan. Une situation qui n'aide pas vraiment le gouvernement à gagner la confiance de la population.
Les enfants à «l'école de l'hygiène»
Partout dans le monde, la pandémie de coronavirus démontre une fois de plus combien des institutions fiables sont décisives pour la gestion des crises et qu'il est essentiel que les gens soient informés et préparés à exercer leur rôle de citoyennes et citoyens responsables. C'est pourquoi le projet d'aide d'urgence WASHPRO d'Helvetas soutient les personnes déplacées dans leur propre pays ainsi que les familles qui les accueillent pour les soutenir dans le secteur de l'eau et de l'assainissement, tout en organisant des cours de formation permettant aux personnes et aux communautés de gérer elles-mêmes leurs ressources en eau. Comment garantir un accès équitable à l'eau? Comment bien gérer l'argent disponible? Comment mettre en place un programme de maintenance? Ce sont quelques-unes des questions que les membres de l'association des usagers de l'eau ont traitées au cours de notre formation - en portant un masque bien sûr!
Et c'est aussi la raison pour laquelle les parents ont été ravis d'envoyer leurs enfants à l'«école de l'hygiène» organisée par le projet LAAFIA d'Helvetas, même si les cours réguliers n'ont pas encore repris. Suite au coronavirus, les parents sont plus que jamais conscients de l'importance pour leurs enfants d'apprendre l'hygiène personnelle et la façon correcte de se laver les mains. (article écrit le 17.5.2020)
Coronavirus: agir maintenant!
Pérou: des petites choses décisives
Par Kaspar Schmidt, conseiller du programme d'Helvetas Pérou
Au Pérou, les familles sont à nouveau autorisées à sortir depuis le 18 mai. Chaque après-midi, pendant une demi-heure, les gens peuvent se promener - en portant un masque dans un rayon de cinq cents mètres autour de chez eux - mais en étant à l'air libre et dans des parcs! Nous avons donc aussi mis nos masques, récemment cousus, sauté et couru dans le parc voisin, ramassé des fleurs et des feuilles, heureux d'être enfin à nouveau à l'extérieur. L'annonce de cette mesure faite il y a une dizaine de jours a ouvert d'importantes perspectives et renforcé notre motivation à faire le mieux possible au cours des semaines de quarantaine restantes.
Système de santé saturé
Ainsi, nous constatons aussi au Pérou combien les «petites choses» sont importantes pour être et vivre bien. Comme l'exprime une collaboratrice d'Helvetas Pérou: «Nous apprécions à nouveau beaucoup plus ce qui est simple, basique et nécessaire: la famille, l'affection, les soins, la patience, le respect, la nourriture, la propreté et une bonne conversation.»
Le gouvernement péruvien a une fois de plus prolongé l'état d'urgence de deux semaines, ce qui le porte à dix semaines au total. Ces derniers jours, les nouvelles infections semblent avoir atteint leur niveau maximal - heureusement. Le faible système de santé fonctionne à la limite de ses capacités depuis des semaines. Le millier de lits de soins intensifs équipés de ventilateurs que compte actuellement le pays sont occupés en permanence et à plus de 80%.
La campagne aide la ville
Au cours des dernières semaines, de nombreuses initiatives sont apparues au Pérou pour faire face aux problèmes provoqués par la pandémie et ses conséquences économiques. Dans différents quartiers de Lima, de nouveaux marchés de denrées agricoles se sont mis en place: des familles paysannes offrent leurs produits frais à des prix attractifs et dans le respect des règles de distanciation sociale et d'hygiène. Nous espérons que ces nouveaux marchés perdureront. Ainsi, la pandémie éclaire sous un nouveau jour les relations entre villes et régions rurales, en soulignant l'importance primordiale de l'arrière-pays producteur pour les centres urbains. Les communautés rurales organisent désormais des livraisons d'aide alimentaire pour leurs proches vivant dans les villes. C'est ce qui s'est passé dans le village de Kiuñalla à Apurimac, une région où Helvetas mène des projets. Début mai, les paysans du village ont rassemblé des produits destinés aux membres de leur communauté vivant à Lima. Le responsable du district a organisé le transport des marchandises jusqu'à la capitale, où elles ont été distribuées à plus d'une centaine de familles nécessiteuses. Dans cet exemple, comme en général, la société civile joue un rôle essentiel dans la crise.
Élan numérique
L'équipe d'Helvetas Pérou travaille à domicile depuis maintenant deux mois. Pour beaucoup de collègues, c'est une nouvelle façon de faire. Par nécessité, l'équipe acquiert rapidement les compétences requises pour la collaboration et la communication à distance à travers des canaux virtuels. Paradoxalement, comme l'a fait remarquer une de nos collègues, nous avons actuellement plus de contacts et d'échanges entre les différentes équipes de programme qu'auparavant malgré la grande distance physique, grâce aux dfférents outils numériques et aux réunions d'équipe virtuelles. Ainsi, les nouveaux défis et la situation de crise nous ont rapprochés en tant qu'équipe. (article écrit le 18.5.2020)