Sous les eaux turquoise du parc Lagon des Huîtres, un drame silencieux se joue. Jadis foisonnants de vie, les récifs coralliens de cette région sont aujourd’hui en déclin, victimes de la surpêche, de l’érosion et du réchauffement climatique. Une mission menée par des plongeurs scientifiques du 10 au 14 mars a révélé une situation alarmante.
Un écosystème en péril
Lors de leurs plongées, les chercheurs ont constaté l’absence de nombreuses espèces marines qui devraient normalement peupler les récifs. "Les endroits que nous avons visités sont à 70% dévastés. Les coraux meurent. Les rares colonies qui existent sont couvertes de boues. Les poissons se font de plus en plus rares. Si rien n’est fait, nous risquons de perdre cet écosystème essentiel", témoigne Charlens Calixte, l’un des plongeurs.
Impacts sur la pêche locale
La dégradation des récifs coralliens entraîne des conséquences directes sur l’activité des pêcheurs. Les stocks de poissons diminuent, mettant en péril les moyens de subsistance de nombreuses familles.
Luckner Volant, pêcheur

Lusius Désiral, pêcheur de la commune de Belle-Anse
Un espoir pour la restauration
Cette étude vise la restauration des récifs coralliens dans le complexe Lagon des Huîtres. Elle s’inscrit dans le cadre du projet "Initiative pour la Nature et l’Optimisation des Valeurs Ecologiques et Economiques" (INOVEE), mis en œuvre par Helvetas Haïti et AHAAMES dans la 6ème section communale de Belle-Anse. L’objectif de ce projet financé par l’Union Européenne est de "Réduire la vulnérabilité des communautés dans la zone côtière du bassin versant de Pichon par le renforcement de leur résilience face aux effets des changements climatiques et par une meilleure gouvernance ".
Des initiatives comme l’installation de modules à base de structures végétales telles que le bambou sont envisagées pour permettre à l’écosystème de se régénérer. "Des larves viendront se fixer sur ces structures artificielles et créeront une nouvelle colonie et par la suite, elles iront coloniser toute l’espace aux alentours. Ce qui va attirer les poissons", explique Moramade Blanc qui espère que "la vie va revenir", grâce à ce dispositif, choisi en raison de son efficacité ainsi que faible coût.
Sans actions concrètes, les récifs du Lagon des Huîtres risquent de devenir un désert sous-marin. La mobilisation des autorités, des scientifiques et des communautés locales est essentielle pour sauver ce joyau naturel.
Le projet accueilli favorablement
En parallèle, un atelier, en lien avec l’étude, a été organisé sur deux jours, avec la participation des autorités locales, des responsables de l’Agence nationale des Aires protégées (ANAP), des représentants des associations de pêcheurs ainsi que d’autres organisations communautaires de base. L’objectif était de discuter de l’acceptabilité et de la faisabilité de la restauration des récifs coralliens. Les participants à cet atelier ont exprimé un soutien enthousiaste pour le projet et se sont engagés à y contribuer activement.
Lusius Désiral, membre du Conseil de surveillance côtière à Belle-Anse, s'est réjoui de l’implication des différents secteurs. "La destruction des récifs coralliens est largement causée par les activités humaines. C’est pourquoi je pense qu’il est judicieux de transformer ces éléments responsables du problème en des agents de solution", a-t-il déclaré. "La restauration des récifs coralliens est une excellente initiative, surtout pour nous qui vivons près du littoral. Le récif corallien constitue un refuge pour les poissons, qui y viennent pour pondre leurs œufs. Ce projet aura un impact positif sur la pêche, un secteur économique essentiel", a ajouté Luckner Volant, visiblement optimiste pour l’avenir.

Une action plus globale
Le projet INOVEE vise trois résultats : 1- Restauration et gestion durable des écosystèmes, 2- Résilience économique en équilibre avec les écosystèmes et 3- Renforcement de la gouvernance. La restauration des récifs coraliens constitue l’une des actions en lien avec le Résultat 1 incluant également la plantation de mangroves, la promotion de l'agroforesterie en zones intermédiaires du bassin versant de Pichon en vue d'augmenter la couverture forestière des zones à vocation agricole en amont des Cascades. L’approche adoptée consiste à conclure un contrat avec les exploitants agricoles pour le reboisement de leurs parcelles, avec une prime annuelle versée une fois les résultats obtenus validés.