Benin | © Simon Opladen

La disponibilité de l’eau potable diminue

De nouveaux chiffres montrent à quel point les approches intelligentes sont nécessaires
PAR: Patrik Berlinger - 02 octobre 2024
© Simon Opladen

Il est probable que plus de quatre milliards de personnes n’aient pas accès à l’eau potable au lieu de «seulement» 2,2 milliards. C’est ce qu’a récemment rendu public l’Institut de recherche sur l’eau de l’EPFZ. Des approches efficaces et innovantes peuvent toutefois permettre de résoudre le problème de l’eau – afin que le droit humain à l’eau pour toutes et tous puisse être réalisé un jour. 

L’accès à l’eau potable est un besoin fondamental et un droit humain. Le garantir à tout le monde contribuerait grandement à réduire les maladies, le stress psychologique et les décès, en particulier chez les enfants. 

Depuis 2015, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), près de 700 millions de personnes supplémentaires ont eu accès à des services d’eau gérés en toute sécurité. En 2022, cela représentait un total de 5,8 milliards de personnes et 1,5 milliard de personnes supplémentaires avaient accès aux services de base. Cependant, 2,2 milliards de personnes dans le monde ont toujours besoin d’un accès adéquat à l’eau potable. L’inégalité est frappante, les plus pauvres et les personnes vivant dans les zones rurales étant les moins susceptibles de bénéficier d’un service de base. 

Appel urgent à l’action 

Cet été, le 14 août 2024, un appel mondial à l’action a été lancé lors du Congrès mondial de l’eau. Intitulé «Strengthening Water and Sanitation Regulation: A Global Call to Action», il a été lancé par un certain nombre de partenaires, dont l’Association internationale de l’eau (IWA), l’OMS, l’Unicef, la Banque mondiale, des organismes de réglementation régionaux tels que l’Asociación de Entes Reguladores de Agua Potable y Saneamiento de las Américas (ADERASA) et l’Eastern and Southern Africa Water and Sanitation (ESAWAS). Il marque le début d’une action commune pour une réglementation plus équitable et plus efficace de l’eau et de l’assainissement, moteur essentiel des progrès en matière d’accès à l’eau partout dans le monde.  

L’urgence et l’importance de cet appel mondial à l’action sont démontrées par une étude de l’Institut de recherche sur l’eau de l’EPFZ (Eawag), publiée le 15 août 2024 et qui a reçu un large soutien. Les conclusions, obtenues en collaboration avec l’Unicef, l’OMS, l’Institut tropical et de santé publique suisse et l’Université de Bâle, ont mis la puce à l’oreille: plus de quatre milliards de personnes dans le monde, soit la moitié de la population mondiale, pourraient ne pas disposer d’un approvisionnement en eau potable adéquat. Si ces chiffres sont exacts, cela signifie que près de deux fois plus de personnes seraient privées d’un approvisionnement en eau adéquat que ce que l’on pensait jusqu’à présent. 

Autre méthode, autres chiffres 

Les chiffres plus élevés s’expliquent par des méthodes de calcul différentes. L’ONU utilise des données officielles. Le problème est qu’il n’existe pas suffisamment de données sur la qualité de l’eau pour la moitié de la population mondiale. Les estimations officielles de l’OMS et de l’Unicef se basent sur des critères tels que: existe-t-il un accès à l’eau potable via un robinet ou un puits? Quelle distance une personne doit-elle parcourir pour accéder à l’eau potable? L’eau est-elle contaminée, par exemple par des matières fécales? Toutefois, il n'est pas toujours possible d'examiner tous les critères, de sorte que l'image globale peut être incomplète.

La méthode de la nouvelle étude est différente: les chercheurs et les chercheuses ont examiné les enquêtes de l’Unicef sur la situation locale de l’eau entre 2016 et 2020 dans plus de 60'000 foyers de 27 pays, du Laos au Kosovo, en passant par le Nigeria et la Mongolie. Ils ont également utilisé des données satellites pour estimer les conditions climatiques dans les régions, par exemple, et ont développé de nouveaux modèles, formés par apprentissage automatisé, afin de générer une image pour 135 autres États plus pauvres à partir des informations des 27 pays et des données satellites. 

L’étude montre que la qualité de l’eau est probablement plus mauvaise que prévu dans de nombreux endroits. Selon l’étude, seule une personne sur trois a accès à l’eau potable dans les pays à revenu faible ou moyen (appelés «pays en développement»). Près de la moitié des personnes vivant dans ces pays boivent en outre de l’eau contaminée par des matières fécales humaines ou animales. Cela montre l’importance des installations sanitaires et l’impossibilité de dissocier l’accès à l’eau des mesures d’hygiène. 

Des approches suisses visionnaires 

C’est là qu’intervient la coopération internationale (CI) de la Suisse. Elle encourage la préservation de la biodiversité et des services fournis par les écosystèmes tels que la nourriture, l’air pur et l’eau potable – qui constituent la base du bien-être humain. La CI s’engage fortement pour la protection des bassins versants et promeut une utilisation durable des ressources hydriques, par exemple des méthodes de culture économes en eau et respectueuses de l’environnement dans l’agriculture pour des revenus plus élevés et une meilleure sécurité alimentaire. 

Avec sa CI, la Suisse s’engage pour le droit à l’eau potable et soutient l’accès à l’eau et aux installations sanitaires pour les groupes de population particulièrement vulnérables. La Suisse soutient aussi les initiatives visant à améliorer la qualité de l’eau et à utiliser plus efficacement les ressources hydriques, notamment par le biais de formations et de mesures d’hygiène et de conditions-cadres plus appropriées. Elle appuie aussi le renforcement de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement par une réglementation équitable et efficace, ainsi qu’un financement adéquat impliquant le secteur privé. 

L’eau est également au cœur de la promotion de la paix, par exemple avec des initiatives telles que «Blue Peace», une initiative diplomatique de la Suisse. Celle-ci vise une gestion transfrontalière équitable des eaux et des rivières afin de réduire les risques de conflit. Grâce à Blue Peace, l’eau doit devenir un «moteur de la coopération, de la paix et du développement durable» dans les pays du Sud global. 

Le réchauffement de la planète constitue un défi supplémentaire, car le changement climatique modifie fortement la disponibilité de l’eau: les sécheresses et les vagues de chaleur sont de plus en plus fréquentes dans le monde, les rivières ont parfois des niveaux d’eau extrêmement bas et les nappes phréatiques diminuent. Parallèlement, les fortes pluies et les inondations se multiplient. Si l’on se réfère à la Suisse, les scénarios hydrologiques montrent qu’en raison du réchauffement de la planète, l’eau devient par moments et par régions si rare ou si chaude que l’homme doit se restreindre et la nature en souffre.  

Que faut-il donc faire? Une protection climatique mondiale réussie est payante, car elle permet de réduire considérablement les changements négatifs. De même, une protection conséquente des eaux et de leurs bassins versants ainsi que leur gestion prudente deviennent de plus en plus importantes. 

 

Vous en apprendrez plus sur l’actuel débat relatif à la coopération suisse au développement dans notre argumentaire «Des faits plutôt que des assertions». 

Visitors take a close look at the new US fighter jet F35 Joint Strike Fighter , Schoenefeld, Germany. | © Keystone/EPA/DPA/RALF HIRSCHBERGER

À la croisée des chemins

Matériel militaire vs. sécurité globale à long terme
Viola Amherd  during UN General Assembly | © Keystone/Epa/Sarah Yenesel

L’Agenda 2030 aux soins intensifs

Les Objectifs de développement durable doivent être sauvés