«Je m’appelle Clemencia López Cabrera. J’ai 29 ans et vis à El Rincón, un village de la commune de San Martín Sacatepéquez, à environ trois heures de Guatemala City. J’ai deux filles et deux garçons. Mon mari est maçon. Je suis l’aînée de sept enfants, dont cinq filles. Nos parents, surtout notre père, nous battaient souvent, nous les filles. Je n’ai pas eu le droit d’aller au-delà de la sixième année d’école. On nous disait: «Pourquoi dépenser de l’argent pour vous les filles, puisque vous allez de toute façon vous marier?» Pour pouvoir aller à l’école, je devais me lever tôt et d’abord faire le ménage. Je n’avais pas de matériel scolaire. C’était dur de voir les autres enfants avec leurs cahiers et leurs livres. Je n’avais qu’un crayon.
À nous les femmes, on disait que nous comptions moins que les hommes et n’avions pas à donner notre avis. Qu’une femme était faite pour s’occuper du ménage et avoir des enfants, pas pour intervenir en public. Aujourd’hui encore, les gens disent qu’une femme n’a pas voix au chapitre. On finit par le croire et penser qu’on n’est pas à la hauteur. C’est pourquoi je me sentais laide et incapable. J’avais peur de parler aux gens, surtout aux hommes. Depuis que j’étais petite, on me répétait que ce sont les hommes qui parlent et qui décident. J’ai longtemps cru ces paroles. Les femmes ont aussi des opinions, mais je pensais que ce n’était pas bien de les exprimer, car les gens disent alors du mal de vous.
Clemencia López Cabrera
Aujourd’hui, je sais ce que je vaux. Je ne me tais plus et peux dire ce que je pense. J’ai compris que mon avis compte aussi et que j’ai de bonnes idées. Dans les cours de K’emenik (cf. Les communes fortes ont besoin de femmes fortes, ci-dessous), nous apprenons à nous estimer nous-mêmes en tant que femmes et à croire en nos capacités. Cela m’a fait beaucoup de bien, m’a remplie de joie et de confiance. À présent, j’ai conscience de ce que je peux atteindre, je sais que j’en suis capable. Aujourd’hui, je peux faire entendre ma voix en tant que membre du conseil de développement de mon village.
Les communes fortes ont besoin de femmes fortes
J’ai voulu me marier jeune. Mon père étant alcoolique et violent, je voulais quitter la maison familiale. J’ai fondé ma famille avec le bon partenaire, que j’ai choisi moi-même. Mon mari me laisse la liberté de participer aux cours et de m’engager. Parfois, je prenais avec moi le bébé, tandis qu’il s’occupait des grands. Je remercie Dieu d’avoir un mari qui me soutient. Il dit: «Si c’est ton souhait, alors c’est une bonne décision. J’aimerais que tu atteignes tes buts.» Il apprécie aussi le fait que je gagne mon propre argent grâce au tissage, que j’aie mon propre compte en banque et sois indépendante.
Cela n’empêche pas sa famille de continuer à lui faire des remarques: «Pourquoi permets-tu cela? Elle n’a pas d’ordres à te donner. Qu’elle s’occupe des enfants.» Mais il ne les écoute pas, lui et moi sommes toujours d’accord.
Beaucoup de femmes ne savent toujours pas qu’elles ont les mêmes droits que les hommes. Ceux-ci ne les laissent pas participer à nos réunions. C’est du machisme, et c’est discriminatoire et humiliant. Nous devons nous battre. Nous pouvons gagner notre propre argent et investir dans l’avenir de nos enfants. Et nous devons briser le silence. Tel est l’objectif de notre groupe de femmes «Nuevo Amanecer» («nouveau jour»), créé grâce au projet K’emenik. Mon message aux femmes: nous devons nous estimer nous-mêmes et nous avons besoin de respect au sein du couple. Nous pourrons ainsi venir à bout du machisme.
Nous n’avons pas pu terminer l’école ou faire des études, mais nos filles auront cette possibilité. Quant à moi, j’ai saisi l’opportunité de continuer à me former. Aujourd’hui, je sais que je peux réaliser mes rêves. Je suis fière d’être la présidente de «Nuevo Amanecer» et de siéger au conseil de développement de mon village. Cela nous permet, à nous les femmes, de participer aux décisions prises au sujet d’El Rincón. Nos propositions sont entendues. Notre parole a de la valeur!
Mais je veux aller encore plus loin, travailler au sein de commissions et avec un grand nombre de personnes. Je n’ai pas de temps à perdre.
Aujourd’hui, je suis heureuse d’être une femme.»